Une stratégie nationale des autosoins s’avère un complément efficace à coût faible ou nul aux investissements dans le système de santé public.
On a signalé si souvent que le système de santé canadien a presque atteint son point de rupture que la formule est en quelque sorte devenue un cliché. Le système de santé universel du Canada est un des piliers essentiels de notre économie et de notre identité canadienne. Toutefois, sa vulnérabilité n’a jamais été aussi évidente que dans les mois qui ont suivi l’apparition de la pandémie de la COVID-19. Les failles du système, déjà apparentes avant 2020, se sont élargies et approfondies, engendrant des discussions nécessaires sur ce qui pourrait rendre notre système de santé plus résilient.
Comme toute question complexe, réparer le système de santé canadien exigera des solutions dans plus d’un domaine, des soins primaires aux soins de longue durée, des politiques de santé publique en passant par les politiques et mesures fiscales. Mais une des solutions pour le Canada pourrait être d’adopter une stratégie afin d’encourager les Canadiens à jouer un rôle accru dans la prise en charge de leur santé, une stratégie canadienne des autosoins.
Le terme « autosoins » peut évoquer des images de masque facial maison et de tisanes, mais il englobe beaucoup plus. Les autosoins comprennent tout, du choix de modes de vie sains au traitement des malaises mineurs, la gestion ou mieux encore, la prévention des risques de maladies chroniques et bien d’autres choses. Une stratégie nationale d’autosoins s’avère un complément efficace à coût faible ou nul aux investissements dans le système de santé public. Les autosoins permettent littéralement aux individus de prendre soin d’eux-mêmes.
En 2020, pour la toute première fois, on annonçait que l’espérance de vie des Canadiens était en déclin et que les taux de maladies chroniques, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires, augmentaient à un rythme soutenu. Les façons les plus efficaces de réduire ce fardeau reposent sur des comportements individuels qui font partie des autosoins, comme une saine alimentation, l’activité physique, la gestion du stress, l’utilisation de produits (comme des médicaments en vente libre ou des produits de santé naturels) et services d’autosoins, etc. À défaut de responsabiliser les Canadiens à jouer un rôle plus actif dans la prise en charge de leur santé, c’est un véritable tsunami de maladies chroniques invalidantes capables de réduire en cendres notre système de santé qui nous attend.
Au cours de la pandémie de la COVID-19, nous avons rapidement constaté que notre système de santé n’a pas la souplesse requise pour s’acquitter de certains fardeaux. Les gouvernements et les experts en santé ont été forcés de presser les Canadiens de se traiter à la maison dans toute la mesure du possible. Bien que personne ne veuille refuser aux Canadiens qui ont besoin d’attention médicale l’accès à ces services, l’expérience récente nous démontre que nous nous portons tous mieux quand les Canadiens disposent des outils dont ils ont besoin pour se traiter eux-mêmes et ainsi préserver la capacité du système de santé pour ceux et celles qui en ont réellement besoin.
Mais encore, malgré une reconnaissance croissante du fait qu’aider les Canadiens à prendre leur santé en charge soit un facteur critique pour la durabilité de notre système de santé et de soins de santé, le gouvernement fédéral du Canada reconnaît à peine la nécessité d’une stratégie complète destinée à guider les gouvernements afin qu’ils aident les Canadiens à pratiquer les autosoins de façon sécuritaire et efficace.
D’autres gouvernements, au pays comme à l’étranger, ont reconnu ce fait. L’Organisation mondiale de la santé et la Fédération mondiale des autosoins soutiennent les pays du monde afin qu’ils fassent progresser les stratégies d’autosoins destinées à soutenir la santé de leur population. Le gouvernement du Québec a officiellement reconnu l’importance des autosoins pour notre système de santé dans le Plan santé qu’il a dévoilé dans le cadre de son budget 2022. Ce plan et cet engagement à offrir aux citoyens les outils d’autosoins pourraient servir de modèle à adopter par les autres juridictions canadiennes.
Une écrasante majorité de Canadiens (soit 84 pour cent) saluent les initiatives susceptibles de les aider à mieux prendre soin d’eux-mêmes et de leurs proches afin de réduire le nombre de visites à l’hôpital, aux cliniques ou aux médecins de famille. Peut-être savent-ils que les bienfaits pour les Canadiens seraient importants. Si à peine deux pour cent des Canadiens atteints de rhume, de maux de tête ou de brulements d’estomac qui consultent un professionnel de la santé pour des symptômes faibles à modérés optaient plutôt pour les autosoins, nous pourrions éliminer plus de trois millions de consultations médicales superflues annuellement et ainsi libérer suffisamment de ressources médicales pour permettre à 500 000 Canadiens de plus d’avoir accès à un médecin de famille.
Mais comment profiter de ces bienfaits des autosoins? C’est assez facile, en fait. En adoptant une stratégie canadienne des autosoins qui optimise la littératie en santé, soutienne les modes de vie sains et facilite l’utilisation de produits d’autosoins.
Les objectifs des autosoins sont réalisables en améliorant la littératie en santé des Canadiens, soit la capacité d’obtenir, de lire, de comprendre et d’utiliser l’information santé afin de prendre des décisions appropriées et de suivre les directives de traitement. La littératie en santé est la clé de la promotion de la bonne santé.
L’accès aux produits d’autosoins comme les médicaments en vente libre est aussi essentiel. D’après certains estimés, nous pourrions économiser plus d’un milliard de dollars annuellement en accordant le statut de médicament en vente libre à plusieurs médicaments d’usage courant. La moitié de cette tâche relève des gouvernements provinciaux et du fédéral.
Nous avons la possibilité de reconsidérer le rôle des individus dans notre système de santé pour en faire plus que des utilisateurs. Alors que nous repensons les soins de santé au Canada, intégrons les autosoins au système.
Cette lettre ouverte a originalement été publiée dans le numéro du 23 mai 2022 de The Hill Times