Au cœur de l’Ontario, une histoire se déroule : patrimoine culturel, travail acharné et prospérité économique dans le monde vinicole. Entre 2011 et 2019, l’industrie vinicole de l’Ontario a versé pas moins de 5,5 milliards $ dans les coffres de la province tout en fournissant de l’emploi à 23 000 personnes.
Ce succès n’est pas un accident. Il résulte de nombreuses années de travail acharné et est tributaire de canaux commerciaux qui permettent aux vignobles ontariens de rejoindre les consommateurs de la province, principalement la LCBO et nos commerces de vin de proximité.
Mais de sombres nuages pointent. La rumeur veut que le gouvernement Ford apporterait à ce modèle commercial des changements susceptible d’ébranler les fondements de l’industrie vinicole et viticole ontarienne.
Le premier ministre de la province songe apparemment à céder le contrôle de la vente de vin au détail aux géants de l’épicerie, éliminant des emplois locaux en échange de « commodité pour le consommateur ».
N’allez pas croire que la commodité pour le consommateur soit sans valeur. Mais combien de commodité les consommateurs peuvent-ils espérer quand une poignée de grands magasins contrôlent le choix de vins à leur disposition? Et à quel coût? Il faudra être très prudent avant de céder le contrôle du commerce du vin.
Regardez autour de vous. Cinq détaillants géants : Loblaw, Sobeys, Walmart, Costco et Metro ont la main mise sur près de 80 pour cent du marché canadien de l’épicerie. Il n’est plus question de dominance : c’est carrément un oligopole.
De tels pouvoirs apportent la capacité de l’utiliser au détriment de la fabrication et de la transformation domestique. Kraft Heinz à Leamington, Kleenex à Huntsville, Kellogg à London. L’Impact de cet oligopole de l’épicerie fait partie des raisons justifiant les décisions stratégiques de ces entreprises de sortir leurs opérations manufacturières de l’Ontario. Ainsi, des milliers de travailleurs ont perdu leur emploi et ces communautés ont perdu leur employeur principal.
Comme si ça ne suffisait pas, au cours des dernières années, nous avons vu une augmentation alarmante de 20 pour cent du coût de placement de produits sur les étagères des épiceries canadiennes. Pendant ce temps, nos voisins du sud n’ont pas connu de telle hausse.
Un récent sondage mené auprès des membres de Produits alimentaires, de santé et de consommation Canada a dévoilé une hausse inquiétante de 25 % des amendes imposées par ces détaillants. Ce n’est plus une question statistique. C’est toute l’industrie locale qu’on opprime.
Croyez-le ou non, plus de 80 pour cent des produits de marque qui se trouvent présentement sur les étagères canadiennes proviennent de marchés étrangers. Quand nos entreprises locales ont peine à respirer, luttent contre des frais toujours croissants et des pressions imprévisibles, où est donc passée la loyauté envers les gens d’ici?
Penons-un peu à ces gens. Le paysage de l’alimentation et des breuvages de l’Ontario est composé d’environ 4 000 entreprises, la plupart de petite taille et comptant moins de 100 employés. Le secteur vinicole de la province reflète ce même esprit entrepreneurial. Maintenant, les entreprises vinicoles et viticoles doivent s’engager dans une lutte inégale au sein de cet environnement de détail volatil. Il vous faut des preuves? Un article touchant du Toronto Star datant d'avril 2023 dépeint un portrait sombre des ces tactiques d'intimidation.
Les fabricants et transformateurs d’aliments du Canada ont appris à leur détriment comment l’oligopole de l’épicerie peut évincer n’importe quel produit canadiens de leurs étagères, forçant l’innovation et les emplois qui l’accompagnent à chercher refuge chez nos voisins du sud. Le gouvernement Ford devrait réfléchir sérieusement avant de déchainer les mêmes forces sur les vignobles et producteurs de raisins domestiques de l’Ontario.
Nous sommes à un carrefour. L’industrie vinicole, pierre d’assis de l’agroalimentaire, du tourisme et du secteur hôtelier des régions de Niagara, Lake Erie-North Shore et Prince Edward County, a une importance non-négligeable. La question va plus loin que le vin; c’est la conservation d’un héritage.
Alors que nous trinquons à l’avenir, assurons-nous que la valeur des vignobles ontariens demeure intacte et protégée afin qu’ils continuent à croître et à prospérer.
Prenez note : Cette lettre ouverte a été publiée dans l'édition du 13 septembre 2023 du Hamilton Spectator.