Un passage dans les allées des commerces canadiens ces jours-ci offre une vision troublante : certaines marques renommées auxquelles les familles canadiennes font confiance depuis des générations disparaissent peu à peu des étagères. La semaine dernière, on annonçait la disparition des mouchoirs Kleenex et peu de temps avant, Nestlé mettait un terme aux produits Delissio et Stouffers. Ces départs surviennent après que le beurre d’arachides Skippy nous ait dit adieu. Les Canadiens se demandent : « Pourquoi est-ce ainsi? » 

La réponse est complexe, comporte de multiples facettes, mais se veut le symptôme des défis économiques plus vastes auxquels le pays est confronté.  

1. Pressions  économiques : Le marché canadien est relativement petit à l’échelle mondiale et même face à son voisin américain. Ajoutez-y les coûts d’opérations qui grimpent en flèche, les augmentations de taxes et la baisse de demande de la part de consommateurs et vous obtenez un contexte difficile pour les entreprises. Dans certains cas, il devient plus viable économiquement pour les entreprises de regrouper leurs opérations et de se concentrer sur des marchés plus imposants et plus lucratifs. 
2. Pénuries de main-d’œuvre : L’industrie canadienne de la transformation des aliments, à elle seule, compte plus de 45 000 postes à combler. Cet enjeu est bien plus qu’une statistique : il se traduit en retards de production, en augmentation des coûts et en inefficience opérationnelle. Bien que certaines mesures aient été prises dans le bon sens, des mesures rigoureuses comme l’augmentation du plafond du Programme de travailleurs étrangers temporaires (TET) et l’augmentation de l’Immigration économique, il nous faut voir des résultats immédiats afin que la production ne soit pas ralentie par le manque de main-d’œuvre. 
3. Fardeaux et délais réglementaires : Bien que la règlementation soit essentielle afin d’assurer la qualité et la sécurité des consommateurs, la sur-régulation jugule l’innovation et la croissance. Nos entreprises s’ajustent constamment à de nouveaux règlements sur la fabrication, l’étiquetage, l’emballage et la vente de leurs produits. Elles ont du mal à suivre. Les changements cumulatifs et parfois contradictoires en matière d’étiquetage, de contraintes d’emballage et de mandats de développement durable augmentent les coûts des entreprises. Les entreprises ont besoin d’un environnement règlementaire prévisible pour réussir. Elles ont plutôt droit à un labyrinthe de règles imposées par divers ministères fédéraux fonctionnant en silos, variant d’une province à l’autre et souvent bien éloignées des normes mondiales. Le résultat final : Il en coûte plus cher pour s’adapter, ce qui rend le marché canadien moins invitant pour les marques domestiques et internationales. 
4. Paysage concurrentiel mondial : Pendant que le Canada se démène avec ses défis internes, le monde n’attend pas. Certains pays courtisent agressivement les entreprises avec des incitatifs attirants, une infrastructure technologique et un environnement favorable aux entreprises. Aux États-Unis, la politique industrielle porte déjà fruit alors qu’on y constate un essor des constructions d’usines grâce à de généreux incitatifs comme la loi contre l’inflation Inflation Reduction Act.  Nous ne nous battons pas que pour des clients; nous devons aussi offrir le meilleur endroit où opérer. 
5. Marché de l’épicerie sur-concentré : L’industrie canadienne de l’épicerie est concentrée dans les mains de cinq détaillants qui contrôlent plus de 80 pour cent des ventes d’épicerie et de médicaments. Ces géants de l’épicerie utilisent ce déséquilibre de pouvoir afin d’imposer unilatéralement des frais et augmenter les coûts des fermiers et des fabricants. Ainsi, les fermiers réduisent le nombre de produits, donc le choix offert aux consommateurs, l’inflation augmente et la concurrence au sein du secteur diminue de plus belle. 
6. Défis de chaine d’approvisionnement : Les événements récents sur la scène mondiale continuent de souligner la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Au Canada, ces défis se trouvent accentués. L’immensité du territoire, l’infrastructure vieillissante et les interruptions de transport causées par les grèves fréquentes et la météo résultent en un cauchemar logistique pour les entreprises qui veulent livrer leurs produits en étagère à temps. 

En tenant compte de tous ces éléments on obtient un portrait difficile. Il faut aussi reconnaître que le départ de marques renommées constitue plus qu’une perte de produits; ajoutez-y des pertes d’emploi, l’impact sur nos communautés, la plongée du PIB et une fierté nationale ternie. Chacun de ces départs souligne le besoin du Canada de se faire plus favorable aux entreprises, plus à l’écoute des besoins des industries qui ont été et sont toujours la base de notre économie. 

À titre de chef de la direction de PASC, ma demande est simple. Collaborons en tant que Canadiens, instances gouvernementales et membres de l’industrie afin de nous faire les champions de réformes qui facilitent les opérations des entreprises ici, au pays. Comprenons mieux et apprécions les défis auxquels font face les marques domestiques et les multinationales qui opèrent ici, et veillons à ce que le marché canadien demeure viable et durable. Les marques que nous aimons sont plus que des étiquettes; elles font partie de notre identité nationale. Il est temps de nous battre pour les conserver ici. 

Prenez note : La semaine prochaine, je publierai une lettre ouverte connexe qui met en valeur les solutions potentielles et leur signification.