Depuis longtemps l’augmentation des coûts, les contraintes réglementaires et les pénuries de main-d’œuvre mettent en péril la stabilité du secteur manufacturier canadien des aliments, des produits de santé et des produits de consommation.
Les droits de douane américains sur les importations canadiennes ajoutent une nouvelle dimension d’incertitude, mettant à l’épreuve la capacité des entreprises à investir, à se développer et à créer des emplois au Canada. Parallèlement, la revendication réactionnaire d’« achat local » au détriment des investissements étrangers simplifie indûment les chaînes d’approvisionnement profondément interconnectées au Canada et risque de compromettre l’industrie que cette revendication vise à soutenir. La réalité est claire : le secteur manufacturier canadien se nourrit d’un mélange d’investissements locaux et mondiaux afin de demeurer compétitif, de soutenir l’emploi et d’assurer la disponibilité des produits.
Le Canada et les États-Unis partagent l’une des relations commerciales les plus intégrées au monde, avec des chaînes d’approvisionnement développées au fil des décennies en vue de faciliter la circulation fluide des marchandises. Cette interdépendance alimente la croissance économique et garantit aux Canadiens l’accès à une gamme variée de produits de haute qualité. Les fabricants multinationaux ne sont pas que des vendeurs au Canada : ce sont des employeurs, des innovateurs et des contributeurs essentiels à notre économie.
Prenons l’exemple de l’usine de Kraft Heinz Canada, d’une superficie d’un million de pieds carrés, située à Mont-Royal, au Québec, qui emploie plus de 1 000 travailleurs pour fabriquer des produits de base qui garnissent les réfrigérateurs et les garde-mangers des familles canadiennes, notamment le beurre d’arachide Kraft, le fromage à la crème Philadelphia et le ketchup Heinz. L’usine soutient également l’agriculture canadienne en tant que plus grand acheteur de tomates de l’Ontario, en se procurant des tomates à Leamington, en Ontario.
Dans la même veine, Kenvue a une empreinte manufacturière significative au Canada, ce qui joue un rôle important dans le réseau mondial de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. Des centaines de Canadiens travaillent à la production de nombreux produits de santé essentiels en vente libre, notamment Tylenol, Motrin, Benylin et Sudafed, qui répondent aux besoins des consommateurs au Canada et à travers le monde.
Ces investissements s’inscrivent dans une tendance plus large : les investissements directs étrangers dans le secteur canadien de la fabrication de produits alimentaires ont augmenté de 5,5 milliards de dollars en 2023, tandis que les investissements directs américains dans l’industrie alimentaire canadienne demeurent particulièrement élevés, atteignant en moyenne 5,4 milliards de dollars par an entre 2021 et 2023. Il ne s’agit pas d’opérations étrangères qui détournent les recettes du Canada, ce sont des entreprises profondément investies dans les emplois, les communautés et les chaînes d’approvisionnement canadiens.
Les appels au boycottage des marques multinationales fondés uniquement sur la notion de propriété ne tiennent pas compte du rôle important que jouent ces entreprises au sein de l’économie canadienne. L’industrie de l’alimentation, de la santé et des biens de consommation est le plus grand secteur manufacturier du Canada - plus grand que l’automobile et l’aérospatiale combinées - et pourtant, les investissements gouvernementaux dans la fabrication de produits agroalimentaires restent disproportionnellement faibles. Le fait de privilégier la propriété nationale par rapport à la production nationale risque de limiter la concurrence, de réduire la diversité des produits et de décourager l’investissement dans un environnement déjà hautement réglementé. Les investissements étrangers ne constituent pas une menace pour l’industrie manufacturière canadienne, mais plutôt un pilier de sa réussite.
En même temps, les consommateurs doivent adopter une approche plus éclairée du mouvement « Achetez canadien ». L’accent ne doit pas être mis sur le détenteur d’une entreprise, mais sur l’endroit où les produits sont fabriqués, les personnes employées par l’entreprise et la manière dont cette dernière contribue à la sécurité économique du Canada. Afin d’harmoniser les choix des consommateurs avec la fabrication nationale, il est essentiel de comprendre la différence entre les mentions « Produit du Canada » et « Fabriqué au Canada », des termes réglementés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments et le Bureau de la concurrence pour les produits alimentaires et non alimentaires, respectivement.
La mention « Produit du Canada » signifie que la totalité ou la quasi-totalité (98 %) des principaux ingrédients, la transformation et la main-d’œuvre proviennent du Canada. Les seules exceptions concernent les ingrédients mineurs qui ne peuvent généralement pas être obtenus chez nous, tels que les vitamines ou les épices. En revanche, la mention « Fabriqué au Canada » s’applique lorsqu’un produit subit sa transformation finale substantielle au Canada, même si certains ingrédients proviennent d’ailleurs. Dans ce cas, l’étiquette doit également comporter une mention qualifiante, telle que « Fabriqué au Canada à partir d’ingrédients nationaux et importés » ou « Fabriqué au Canada à partir d’ingrédients importés », afin de clarifier les choses.
Le moment est venu de sortir de la rhétorique qui dépeint les fabricants étrangers en adversaires des intérêts économiques du Canada. De nombreux ingrédients bruts doivent être achetés ailleurs, mais ils sont transformés, assemblés et emballés dans des installations canadiennes par des travailleurs canadiens. La véritable mesure du soutien au secteur manufacturier canadien devrait être la production et l’emploi, et non le nationalisme.
Les incertitudes commerciales accentuent la nécessité de bâtir un secteur manufacturier résilient et autosuffisant dans le domaine de l’alimentation et des biens de consommation. En adoptant des politiques qui favorisent l’investissement, suppriment les obstacles à la croissance et garantissent la viabilité de la production nationale, le Canada peut maintenir une industrie forte et compétitive qui profite à la fois aux travailleurs, aux entreprises et aux consommateurs.
La voie à suivre est claire : permettons à nos fabricants canadiens de fabriquer. La décision ne dépend pas de la localisation du siège social d’une entreprise, mais de l’assurance que les produits essentiels abordables et de haute qualité sont fabriqués ici, par les Canadiens, pour les Canadiens.
LES DÉCIDEURS POLITIQUES DOIVENT ENTREPRENDRE DES ACTIONS DÉCISIVES :
- Défendre l’accessibilité financière et la stabilité de la chaîne d’approvisionnement : éliminer les taxes, les frais et les politiques inutiles qui augmentent les coûts et perturbent la disponibilité des produits.
- Réduire les formalités administratives excessives : éliminer les réglementations obsolètes qui augmentent les coûts sans pour autant apporter des avantages importants aux consommateurs ou aux entreprises.
- Encourager l’investissement et la croissance : favoriser un climat commercial qui attire les investissements, élimine les barrières commerciales interprovinciales et sécurise les chaînes d’approvisionnement pour les produits essentiels.